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Introduction

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III Restriction

 

Dans la mesure où le champ d’investigation est très large, il nous est possible de le réduire considérablement en utilisant la distinction énoncée par Eric de Maré dans Photography and Architecture[1] entre : « Record » (document brut), « Picture » (image) et « Illustration » (illustration à la fois esthétique et documentaire), pour nous concentrer uniquement sur cette troisième catégorie. Il écrit à ce propos :

« The Illustration is a satisfactory record with also makes a pleasing picture in itself. It presents the building in as attractive and revealing a way as possible so that we say in the same breath, “What a splendid photograph!” and “What a beautiful building!”. Through selection of viewpoint, field of view, and lighting, it can interpret a building, or a detail, in its own way. It can strengthen or it can destroy the qualities of the buildings.»[2]

C’est précisément cette synthèse entre le document et l’image que nous nous proposons d’interroger. L’aspect documentaire de la photographie d’architecture serait lié au simple fait qu’il s’agit d’une photographie (et plus précisément à son indicialité) et l’aspect davantage pictural tiendrait à son inscription dans une tradition, celle du dessin d’architecture. Il s’agit bien d’une synthèse dans la mesure où ces deux aspects qui peuvent sembler contradictoires sont indissolublement liés. Il est clair que la distinction D’Eric de Maré est en elle-même problématique car un document brut peut posséder des qualités esthétiques ou artistiques et une image (« picture ») en être dépourvue et avoir une fonction documentaire. Au delà de l’impossible pureté catégorielle, il s’agit d’opérer un choix dans un champ de la photographie qui reste extrêmement vaste. Il nous sera toujours possible de critiquer, éventuellement déconstruire, de telles oppositions. Déconstruire signifie généralement montrer que derrière une opposition se cache une hiérarchie de valeurs, généralement illégitime. Même s’il n’est pas question de nier que le document brut non esthétisé puisse être valorisé en tant que tel, il ne s’agit pas de notre objet d’étude.

En revanche, les photographies d’architecture sont généralement considérées comme des documents transparents, peu questionnés en tant qu’images. Or, en tant qu’images, elles impliquent souvent un véritable écart par rapport à la réalité (écart que l’on peut juger en comparant des versions concurrentes). Les photographies réalisées à la chambre seront privilégiées. En théorie et si l’on se focalise uniquement sur la question de la perspective, il est tout à fait possible de réaliser les mêmes photographies en petit et en grand format. La différence serait seulement une différence de qualité au niveau de la définition de l’image. La question de la perspective en photographie d’architecture n’est pas une simple question de technique qui dépendrait uniquement du matériel utilisé. Cependant, en pratique et dans la mesure où le photographe d’architecture anticipe le cadrage final dès la prise de vue, les différentes possibilités d’utilisation de la perspective sont généralement plus importantes.

Nous excluons, enfin, de notre recherche ce qui relève du paysage urbain pour nous concentrer uniquement sur la représentation d’un bâtiment ou de son intérieur. Nous allons donc nous efforcer de comprendre le rapport entre la photographie d’architecture et la représentation de l’architecture. Puis nous nous interrogerons sur la question de savoir si la photographie d’architecture n’a pas été « contaminée » par l’art des avant-gardes. Nous allons ensuite chercher à penser ce qui constitue l’homogénéité ou l’hétérogénéité de la photographie d’architecture dans les magazines spécialisés d’architecture. Nous examinerons enfin, comment des artistes du champ de l’art contemporain se sont appropriés la photographie d’architecture.

[1] Eric de Maré, Photography and Architecture, Londres, Architectural Press, 1961

[2] Eric de Maré, ibid.

 
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