Troisième Partie : Homogénéité et hétérogénéité de la photographie d’architecture XII La photographie d’architecture contemporaine publiée dans des magazines comme : A+U, Architectural record, GA document, Domus, Lotus, El croquis, Casabella, L’architecture d’aujourd’hui, Techniques et architecture…
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L’homogénéité et l’hétérogénéité des photographies d’architecture publiées dans ces magazines tiennent essentiellement au fait que les commandes de photographies publiées émanent moins des magazines eux-mêmes que des architectes qui envoient les clichés réalisés par leurs photographes commandités. Par conséquent, ce sont souvent les mêmes photographies qui sont publiées dans les différentes revues. « Aujourd’hui, seules quelques revues spécialisées commandent des reportages et la presse généraliste se contente d’utiliser les photographies sélectionnées par les architectes et issues des reportages qu’ils ont eux-même financés. Celles-ci constituent la majeure partie des images publiées. »[1] Les magazines d’architecture se distinguent visuellement les uns des autres plus par la mise en page, le graphisme, l’importance et le nombre de photographies choisies pour illustrer un bâtiment que par le style des photographies commanditées. En effet, lorsqu’elles sont commanditées par l’architecte, les photographies ne peuvent pas tenir compte de la mise en page de la revue ni même du style de la revue. Les photographies sont censées pouvoir être suffisamment neutres pour pouvoir illustrer tous les types d’articles. Dans les magazines d’architecture comme dans la presse en général, il n’est pas rare qu’une même photographie soit utilisée pour illustrer deux articles diamétralement opposés. En revanche, lorsqu’elles sont commanditées par la revue, il s’agit parfois d’une exigence de corrélation plus étroite entre la photographie et la mise en page. Le cahier des charges relatif aux impératifs techniques et esthétiques peut alors être très contraignant. Par exemple, s’il s’agit d’illustrer un article sur l’architecture le long d’un canal ou d’un cours d’eau, le rédacteur de l’article peut exiger du photographe qu’il réalise ses photographies frontalement par rapport au cours d’eau de manière à constituer une séquence plus fluide[2]. Inversement, lorsqu’il s’agit d’illustrer le dynamisme architectural d’un quartier d’une grande ville, les photographies commanditées par les architectes sont parfois insuffisantes pour constituer ce qui relève davantage du paysage urbain que de la photographie d’architecture. Le photographe a alors souvent carte blanche. Certaines revues sont parfois plus axées sur certains aspects que d’autres, comme Techniques et architecture qui montre souvent des photographies du bâtiment pendant sa construction et des gros plans sur la matérialité des bâtiments mettant ainsi l’aspect plus technique en évidence. Les photographies prises durant les travaux sont souvent appréciées pour mettre en avant la structure interne de celui-ci. Ces photographies sont généralement réalisées pour la documentation de l’architecte bien avant la demande de telle ou telle revue. Les photographies de chantiers publiées dans les revues d’architecture sont extrêmement rares jusque dans les années 30. En effet, auparavant, les photographies sont mélangées aux gravures, en fin de volume, sous forme de planches, souvent pleine page. Les photographies ont alors le même caractère de préciosité que les gravures. Par conséquent, les photographies de chantiers sont extrêmement rares. Lorsque les photographies vont être insérées au cœur du texte, parfois en très petit format, elles vont perdre leur caractère de préciosité pour prendre davantage une valeur de document brut. Ce qui caractérise les images des magazines, c’est par conséquent une provenance diverse de celles-ci. Une certaine hétérogénéité en résulte car ces images peuvent être des dessins de l’architecte, des vues d’avion ou d’hélicoptère prises avec un appareil de petit format ou des photographies plus ou moins stylisées en fonction des photographes commandités par les architectes. Etant donné le cahier des charges à la fois simple et vague de l’architecte qui souhaite généralement une « approche extrêmement descriptive »[3], les photographies présentent souvent une grande homogénéité. En feuilletant les magazines d’architecture, on n’a pas toujours le sentiment que les photographies ont été réalisées par des photographes différents. Quels que soient les photographes, les plongées et contre-plongées sont relativement rares sans être inexistantes et semblent davantage justifiées par des impératifs documentaires (montrer l’espace central d’un escalier, le plafond…), que pour réaliser des images emphatiques. Les photographies n’en sont pas pour autant moins esthétisantes. Les photographies en vues obliques sont souvent aussi nombreuses que les vues frontales mais dépendent surtout de l’architecture, de sa complexité, de son ampleur. Les vues frontales sont surtout utilisées pour des espaces complexes afin de stabiliser et rendre l’image plus lisible, notamment dans les vues d’intérieur. Les vues obliques permettent au contraire de complexifier des bâtiments dont la forme se laisse plus facilement appréhender et concernent plutôt les vues extérieures afin de rendre une idée des volumes. L’un des aspects les plus surprenants des magazines d’architecture, qui s’interrogent assez rarement sur la photographie d’architecture, profitant de sa supposée transparence plutôt que thématisant son opacité, est l’ouverture, certes, exceptionnelle et rare, à la photographie d’artiste, des artistes, qui, selon nous, utilisent la photographie d’architecture. Ainsi, certaines photographies de Nicolas Moulin ont été publiées dans Techniques et Architecture n° 448 sur la matière, certaines d’Andreas Gursky dans le n°110 de la revue Lotus sur les villes globales (Città globali / Global cities), et de Candida Höfer dans le n°336 de l’architecture d’aujourd’hui sur l’indifférence. Cette ouverture manifeste une influence potentiellement réciproque de l’art et de l’architecture à travers l’utilisation de la photographie d’architecture dans sa dimension prospective. Dimension qui reste à analyser. [1] Hervé ABBADIE, « Quelques aspects de la commande contemporaine », Architecture Photographie : Actes du colloque de Lille, 7 mai 1999, HOCHART, Daisy, ed., Lille, Ecole d’architecture de Lille et Région Nord, 1999. [2] Hervé ABBADIE, ibid. [3] Christian Hauvette, « L’architecte et le photographe », Architecture Photographie : Actes du colloque de Lille, 7 mai 1999, HOCHART, Daisy, ed., Lille, Ecole d’architecture de Lille et Région Nord, 1999. [3] Hervé ABBADIE, ibid. |