Quatrième partie : De la photographie d’architecture réelle à la photographie d’architecture fictive
XIV Photographie d’architecture sans mode d’emploi. (N. Moulin)
|
|||
![]() |
![]() |
||
![]() |
![]() |
||
|
L’utilisation de la perspective dans son aspect microscopique et énigmatique est, certes, relativement rare en photographie d’architecture. Néanmoins, cette possibilité de jouer avec la perspective à la fois dans le sens d’une déréalisation de l’architecture et une perte radicale d’échelle ainsi que de son sens de lecture est exemplifiée par la série de photographies de Nicolas Moulin qui s’intitule Novomond et publiée dans Techniques et architecture. Comme il le dit lui-même, il produit « une matière visuelle, mais sans mode d’emploi »[1]. En tant qu’énigmes elles sont beaucoup moins fortes que celles de Gursky. En effet, en les tournant dans tous les sens, on finit par les résoudre. On s’aperçoit notamment que l’une d’entre-elles est une photographie de balcons prise à cent-quatre-vingt degrés. Si on la compare aux photographies de balcons de Rodtchenko, la perspective n’est absolument pas la même, même si le point de vue n’en est pas très éloigné. Elles donnent l’impression de ne pas être des vues en contre-plongée, que la perspective est redressée et que le point de fuite est décentré judicieusement. Cependant, à partir du moment même où l’on résout les énigmes photographiques de N. Moulin, elles perdent beaucoup de leur intérêt. Le mieux est encore de les regarder dans le bon sens (celui de la revue d’architecture). Elles jouent alors leur rôle d’exemplifier photographiquement ce que pourraient être les futurs de l’architecture. Elles opèrent une fonction critique non pas en montrant l’inhumanité de l’architecture mais une déshumanisation possible du paysage urbain. Il s’agit moins de science-fiction d’un monde « post-atomique » qu’une anticipation d’une désagrégation progressive d’un monde devenu « monochrome » anonyme et froid. Ce monde qui est photographié n’est pourtant pas dénué de plasticité, mais celle-ci joue au détriment de la matérialité microscopique de ce monde. La définition de l’image n’est pas celle de Gursky ni la netteté. L’opacité évoque davantage la granularité des films d’anticipation (avant l’utilisation massive de trucages numériques) que la photographie d’architecture ou l’imagerie numérique d’architecture. C’est, comme dans la photographie d’Andreas Gursky, la répétition des formes simples, ici sans fenêtre, qui crée une tension entre le dépouillement des formes, la simplicité et leur dimension énigmatique et futuriste. Espaces désertiques, vides et froids, irréels et pourtant, ils ont été photographiés. Certaines sont frontales, d’autres sont légèrement décalées, sur l’angle. Ces photographies sont descriptives, documentaires mais néanmoins esthétisées comme peuvent l’être les photographies d’architecture. [1] Nicolas MOULIN, Ailleurs et demain, in Techniques et Architecture, n° 448, 2000. |
||